Ohé Jean-François !
Jean-François, nous nous sommes peu vu finalement. C'était chaque fois comme une danse, une partie d'escrime, un feu d'artifice ou un malentendu.
Jean-François, j'ai tout admiré en toi, la débauche verbale, le talent fou et un inimitable mélange de cynisme et de générosité. J'étais à côté de toi un enfant sage.
Tu étais, à toi tout seul, le mouvement d'un siècle. Tu dévorais chaque prémisse, chaque étincelle. Rien ne devait t'échapper, tu étais toujours là avant les autres. C'était ta manière. Tu nous faisais découvrir et nous partagions soudain avec toi ce qui allait être ou, mieux encore, ce qui était là et que l'on ne savait voir.

Tu avais l'½il. Tu ferrais le réel, tu l'anticipais. Tu étais devant nous. Et, après nous avoir guidés, époustouflés, ballottés, tu nous prenais sous le bras pour découvrir encore.
On était ton ami, tu aimais les gens, tu jouais. Tu savais parler avec tout le monde, une faveur réservée aux grands c½urs ; tu créais la complicité immédiate de celui qui a rencontré ses ombres et croisé sa clarté.
Rien en Occident, ni en Orient n'arrêta ta boulimie de caractères, de contrastes, de mélanges, de musique, d'histoires et de nouveautés. Tu eus certainement le sentiment à un moment de ta vie de tout savoir de ce qui vivait vraiment : tout ce qui bougeait, ici et là-bas : tu étais au courant ou tu le sentais.
Et puis, il y eut l'Afrique. L'Afrique résista à ta mécanique d'absorbtion mentale et il te fallu l'apprivoiser doucement plutôt que de la digérer en une formule. Je dis cela comme je l'ai senti en t'écoutant. C'était enfin un monde à ta taille.
Patron de presse, de radio, tu as su faire confiance et conserver toujours la part de désordre qui porte toute création.
Jean-François, tu as fais de ta maladie un reportage, une exploration. Que d'excès et de courage en un seul homme. Maintenant, écris-nous, fais-nous un journal, prends des photos. Je veux vraiment savoir comment c'est de l'autre côté quand c'est toi qui le raconte.
Pierre Bellanger, 09-2007